S’il fut un temps où le travail était confiné au seul statut de « gagne-pain », sans autres ambitions, il est aujourd’hui auréolé de sens, ou du moins c’est ce que l’on en attend. Aujourd’hui, la génération Y et Z ont redéfini notre rapport au travail, en y ajoutant une autre dimension : la passion, la quête de sens. Mais derrière ce désir se cache une réalité plus nuancée, plus complexe. Décryptage !

Quête de sens au travail, entre passion et réalité économique

Dans son ouvrage sobrement intitulé The Meritocracy Trap: How America’s Foundational Myth Feeds Inequality, Dismantles the Middle Class, and Devours the Elit, Daniel Markovits, professeur à la prestigieuse Université de Yale, met en lumière les travers de la méritocratie. Pour lui, la possibilité de travailler avec passion est souvent un luxe réservé à une élite. Mais même pour cette élite, la liberté d’action reste limitée, les contraintes sociales et économiques orientant souvent leurs choix vers des carrières stéréotypées. Alors, cette idée du travail-passion est-elle vraiment accessible, et à qui s’adresse-t-elle ?

De l’autre côté, Adam Davidson, journaliste économique, nous peint un tableau plus optimiste de l’avenir du travail. Dans The Passion Economy : The New Rules for Thriving in the Twenty-First Century, il dépeint un monde où il est devenu possible pour presque tout le monde de vivre de ses passions, grâce à la transformation de l’économie mondiale. Selon lui, en capitalisant sur ses compétences uniques, chacun peut trouver sa place et s’épanouir professionnellement.

Deux visions contrastées, basées sur des analyses pointues et des données tangibles. Pourquoi ces deux experts, bien qu’observateurs du même phénomène, arrivent-ils à des conclusions si différentes ? Première surprise : leurs points de vue pourraient être plus proche qu’il n’y paraît au premier abord…

Passion au travail : le cri du cœur des nouvelles générations

Pour Daniel Markovits, les conditions de travail n’ont fait qu’empirer ces dernières années. En effet, l’auteur pointe du doigt des journées interminables pour les postes à haute responsabilité et un contrôle accru pour les autres, le tout s’accompagnant fatalement par une perte de sens au travail. Au-delà de leurs divergences sur la question, Markovits et Adam Davidson s’accordent sur une chose : le désir d’une carrière passionnante est profondément ancré chez les nouvelles générations. Ces jeunes, assoiffés de sens, se distinguent par leur refus des normes établies, cherchant des emplois qui non seulement les paient mais qui répondent également à leurs aspirations profondes. Adam Davidson va même jusqu’à applaudir cette quête, mettant en lumière le contraste entre la génération montante et les précédentes, qui souvent acceptaient des conditions de travail moins bonnes, tout en taxant les jeunes de « gâtés ». Attention, tout cela est à relativiser des personnes d’âge moyen (c’est le cas par exemple de Mr Topalian qui le dit clairement dans cet interview) mettent également un point d’honneur à avoir de la passion dans leur travail. C’est ce qui leur permet d’être heureux au travail et de ne pas avoir véritablement l’impression de travailler.

Autre point de concordance entre les deux « experts » : l’écho de ces tendances au sein de toutes les tranches d’âge a été amplifié par la crise sanitaire. La pandémie, un peu paradoxalement, a permis de repositionner le travail dans le grand schéma de la vie. Autrement dit, elle a incité les gens à revoir leurs priorités et à réfléchir à ce qui compte vraiment pour eux. La conclusion de Davidson est particulièrement frappante : « A mesure que la société s’enrichit, les gens ont davantage la possibilité d’affiner leurs choix pour se composer la vie qu’ils veulent. Ce que j’appelle l’économie de la passion ne repose pas sur l’idée de gagner toujours plus, mais de gagner en satisfaction de manière générale ».