A l’origine, la subsidiarité est une maxime politique et sociale, qui stipule qu’une autorité centrale n’est en mesure d’effectuer que les tâches qui ne peuvent être réalisées à l’échelon inférieur. Autrement dit, le principe de subsidiarité implique de déléguer la responsabilité au niveau politique à l’échelon le plus adéquat. Appliquée à la logique managériale, la subsidiarité, souvent confondue avec la délégation, suppose un style de management ouvert.

Subsidiarité : définition

En théorie, définir la subsidiarité est plutôt simple : il s’agit du principe selon lequel une autorité centrale ne peut effectuer que les tâches qui ne peuvent être réalisées à l’échelon inférieur. Nous vous le disions, le principe de subsidiarité est souvent confondu avec la délégation. Or, ce que nous montre la définition même du principe, c’est que les deux notions sont en réalité antinomiques. Dans les faits, la subsidiarité est un renversement de la délégation car, ce n’est plus le dirigeant qui délègue des tâches aux échelons inférieurs, mais plutôt le contraire.

La subsidiarité implique la transmission d’une tâche ou d’une situation à l’échelon supérieur lorsque celle-ci excède le niveau de compétences d’une entité. En d’autres termes, il s’agit d’un transfert de responsabilité au plus apte, le mieux à même de l’exercer. Par ailleurs, développer la subsidiarité passe par des principes d’actions, qui insistent sur le fait que l’échelon supérieur s’abstienne de réaliser les tâches dont sont capables les échelons inférieurs. On parle alors de principe de compétence, par opposition au principe de secours, selon lequel l’échelon supérieur est encouragé à venir en aide et à soutenir l’échelon inférieur en cas de besoin. Le dernier principe est celui dit de suppléance, qui autorise l’échelon supérieur à remplacer l’échelon inférieur, à titre exceptionnel et de manière limitée dans le temps, notamment en cas de défaillance ou d’insuffisance avérée.

Aux origines de la subsidiarité

Pour trouver les origines du principe de la subsidiarité, il faut remonter à la pensée de saint Thomas d’Aquin. Depuis, ce principe s’est retrouvé au cœur du fonctionnement des institutions européennes, et a été introduit au management dans les années 1980. Aujourd’hui, la subsidiarité est érigée en principe dans de nombreux grands groupes français, notamment Danone, Mulliez ou encore Daher. Pour que ce mode de management puisse prendre place dans l’entreprise, il présuppose l’existence de valeurs fortes et d’une vision partagée, l’idée étant que chacun, dans l’organisation, puisse se sentir responsable.

Pour expliquer la logique de la subsidiarité, les Anglo-Saxons proposent une terminologie assez simple : passer du top-down au bottom-up. Cela peut sembler anodin, mais il s’agit en fait d’une véritable révolution dans la pensée managériale. En effet, une organisation pensée selon le principe de subsidiarité encourage l’autonomie et la créativité de tous les membres de l’organisation, tout en répondant à certains besoins et attentes des collaborateurs : besoin de plus d’autonomie, être contributeur et acteur de la réussite de l’entreprise, être mieux formé…

Mettre la subsidiarité en œuvre dans l’entreprise

Mettre en œuvre la subsidiarité dans l’entreprise présuppose un changement de la culture managériale. Cela s’explique par le fait que ce principe nécessite une prise d’appui sur l’autonomie individuelle des collaborateurs et, en même temps, sur la construction d’un collectif cohérent et solidaire. La difficulté, vous l’aurez compris, est d’arriver à concilier l’individuel et le collectif, ce qui est loin d’être simple. Pour beaucoup de spécialistes de la question, la subsidiarité est en premier lieu une affaire de confiance et de croyance. La croyance selon laquelle chacun peut être responsable et faire montre d’ambition. Les Anglo-Saxons ont un mot pour ça, difficilement traduisible en français : empowerment.

Un management basé sur la subsidiarité est en quelque sorte une nouvelle manière d’approcher, de comprendre le leadership, en cela que les dirigeants passent du statut de décideurs et d’experts à celui de facilitateurs et d’accompagnateurs. Concrètement, la mise en œuvre de la subsidiarité dans l’entreprise, correspondant à l’émancipation de l’organisation hiérarchique telle qu’on la connaît, nécessite l’activation de certains leviers clés. Il s’agit tout d’abord d’encourager l’autonomie, la confiance, la responsabilisation et la coopération, l’idée étant de permettre à chacun d’être créatif, non pour sa gloire personnelle, mais au service du collectif.

Ensuite, le dirigeant doit montrer qu’il est personnellement impliqué dans le processus, en faisant preuve d’une capacité de lâcher-prise et de la volonté de transformer l’organisation du travail  dans l’entreprise. Et parce que le principe de subsidiarité est un véritable bouleversement du rôle des équipes dirigeantes, il devient essentiel de les former et de les accompagner. En bref, la mise en œuvre de la subsidiarité dans l’entreprise induit une transformation de fond de la culture managériale régnante, nécessitant ainsi l’implication sans faille du dirigeant et de l’ensemble des collaborateurs. Ces derniers doivent, in fine, avoir une réelle capacité de remettre à plat leurs croyances et leurs habitudes.

Subsidiarité : inverser la pyramide des décisions

Un changement aussi conséquent que la mise en œuvre de la subsidiarité en entreprise nécessite un temps d’adaptation. Il nécessite aussi de travailler sur la communication et sur la qualité de l’information, l’objectif étant que les collaborateurs aient les outils pour comprendre et délimiter leur champ de responsabilité, dans le cadre de l’inversion de la pyramide des décisions que suppose la subsidiarité.

Subsidiarité Vs Délégation : opposées, mais complémentaires

Nous vous le disions, les notions de subsidiarité et de délégation, bien que souvent confondues, sont en réalité antinomiques. Pour autant, elles peuvent être complémentaires dans certaines conditions. En effet, malgré le fait que ce sont deux logiques managériales qu’en principe tout oppose, elles peuvent être conjuguées, cohabiter dans la même organisation. Certains diront même qu’il est essentiel de les faire « vivre ensemble », leurs logiques étant plus complémentaires qu’opposées.

Si la logique top-down de la délégation permet de déterminer les aspects d’une fonction de manière pertinente, notamment du point de vue des objectifs prioritaires ou des règles et procédures, le principe de subsidiarité pourra être invoqué dans le cadre d’une situation imprévisible, en cas d’incertitude induisant un temps de réaction raccourci. Ce principe, qui favorise la créativité et la prise d’initiative, est tout indiqué dans ce genre de situation. Vous l’aurez compris, lorsqu’il s’agit de délégation et de subsidiarité, tout dépend du contexte.