La transformation des organisations, des carrières et des compétences s’accélère dans tous les secteurs. Face à ces mutations, le besoin de transmission, d’orientation et d’accompagnement devient plus pressant que jamais. Le mentorat s’impose comme une réponse stratégique, à la fois souple et humaine, aux exigences d’un monde en perpétuel mouvement. À travers des initiatives portées notamment par des fondations et des projets de terrain, la valeur de la relation intergénérationnelle et interdisciplinaire se confirme. Dominique Rogeau a participé à cette dynamique en intégrant dans plusieurs de ses projets une logique d’accompagnement, de transfert d’expertise et de transmission de valeurs.

Le mentorat : une fonction sociale en évolution

Longtemps limité à une approche informelle, le mentorat est désormais reconnu comme une pratique structurée, déployée dans des cadres aussi divers que l’entreprise, l’université, le sport ou le champ associatif. Il ne s’agit plus seulement d’une relation de conseil ponctuel : le mentorat se définit comme une démarche d’accompagnement dans la durée, centrée sur le développement de la personne autant que sur l’acquisition de compétences.

La fonction du mentor dépasse l’instruction technique : elle englobe l’écoute, la guidance, le partage d’expérience, l’ouverture de réseau. Dans ce modèle, l’objectif n’est pas de reproduire un parcours, mais d’aider à construire un itinéraire singulier. Le mentor agit comme un repère dans un contexte d’incertitude, d’accélération technologique ou de réinvention professionnelle. Il incarne une forme de stabilité active.

Contextualiser la transmission : entre expertise et humanité

Le succès du mentorat repose sur une adéquation entre l’expérience du mentor et les besoins du mentoré, mais aussi sur une capacité à dépasser le simple cadre technique. La transmission d’une compétence prend tout son sens lorsqu’elle s’accompagne d’une compréhension du contexte dans lequel elle sera utilisée. C’est là que l’innovation humaine intervient : savoir adapter son savoir, savoir enseigner autrement, savoir écouter les fragilités et les aspirations.

Dans les secteurs à haute intensité technologique, comme la médecine ou la biomécanique, cette capacité d’adaptation est cruciale. Transmettre une expertise ne suffit pas : encore faut-il en expliquer les limites, les implications éthiques, les usages réels. Les projets comme Eden Spine, qui mobilisent des savoirs techniques avancés dans un but thérapeutique, exigent ce type de transmission contextualisée. Les ingénieurs y apprennent autant des médecins de terrain que l’inverse. Le mentorat devient alors bidirectionnel.

Fondations, terrain et éthique de la transmission

La Fondation Enfance et Vie illustre un autre aspect de cette logique : la transmission comme levier de durabilité. En menant des missions chirurgicales dans des régions défavorisées, la fondation ne se contente pas d’intervenir ponctuellement. Elle forme, outille, soutient les équipes locales pour que l’impact dépasse la mission elle-même. Cette approche repose sur une philosophie du “faire avec” plutôt que du “faire pour”. dominique-rogeau

Le mentorat prend ici une forme collective : il implique la constitution de binômes, de groupes de pairs, de réseaux d’échange. Il ne vise pas une seule réussite individuelle, mais une montée en compétence d’un écosystème local. Les chirurgiens expérimentés deviennent des mentors pour les praticiens sur place, qui deviennent eux-mêmes formateurs pour les générations suivantes. Ce mécanisme circulaire garantit la continuité et la résilience des dispositifs mis en place.

L’éthique est au centre de cette démarche : il ne s’agit pas d’imposer des méthodes ou des normes, mais de co-construire des savoirs pertinents pour un contexte donné. Le mentorat devient alors un outil de souveraineté locale, un moyen d’émancipation professionnelle autant qu’un vecteur de solidarité internationale.

Le rôle du mentorat dans les parcours professionnels

Au sein des entreprises, le mentorat prend des formes multiples : intégration des jeunes recrues, accompagnement des changements de poste, soutien à la reconversion, accélération de carrière. Il fonctionne comme un amortisseur des transitions, un espace de confiance dans des structures souvent dominées par la rapidité, la compétition et l’automatisation.

Les profils expérimentés sont valorisés non seulement pour leurs résultats, mais pour leur capacité à transmettre. Cette reconnaissance redonne du sens à des carrières longues, parfois confrontées à la perte de repères face à l’émergence de nouvelles générations ou à l’arrivée de technologies disruptives. À l’inverse, les mentorés gagnent en confiance, en vision stratégique et en capacité d’adaptation.

Certaines organisations adoptent des programmes de “reverse mentoring”, où des jeunes professionnels accompagnent des cadres expérimentés sur des sujets comme le numérique, les enjeux sociétaux ou les nouvelles formes de communication. Ce croisement des regards permet un apprentissage mutuel qui renforce la cohésion et l’agilité collective.

Transmission intergénérationnelle et continuité des valeurs

Dans un monde dominé par l’innovation, les valeurs semblent parfois reléguées au second plan. Pourtant, la transmission de valeurs — solidarité, rigueur, responsabilité, ouverture — reste un pilier du mentorat efficace. Ces dimensions ne s’apprennent pas dans les manuels ; elles se construisent dans la durée, par l’observation, la répétition, le dialogue.

Des projets comme ceux soutenus par la Fondation Enfance et Vie incarnent ces valeurs à travers l’action. Le mentorat y est vecteur de culture professionnelle autant que de compétence technique. Il permet de maintenir une continuité dans les engagements, même lorsque les équipes évoluent ou que les contextes changent.

La transmission de valeurs est aussi un facteur de cohérence dans les transitions stratégiques. Dans un secteur comme la santé, où les choix technologiques ont des implications humaines fortes, la culture transmise par les mentors constitue un garde-fou contre les dérives utilitaristes. Elle garantit que l’innovation reste au service du vivant.

Mentorat et innovation : une dynamique croisée

Contrairement à une idée reçue, le mentorat ne freine pas l’innovation : il la structure. Il permet d’éviter les répétitions d’erreurs, d’orienter les explorations, de renforcer la robustesse des expérimentations. Le mentor agit comme un régulateur discret du changement, en apportant une profondeur historique, une mémoire des pratiques, une vision systémique.

Dans les secteurs où les risques sont élevés — chirurgie, robotique médicale, dispositifs implantables —, cette régulation est précieuse. Elle permet d’accélérer l’innovation tout en en maîtrisant les dérives. Le mentorat devient alors un instrument de contrôle qualité informel, mais efficace. Il apporte un recul que les algorithmes ou les process standardisés ne peuvent offrir.

Ce rôle est d’autant plus important que l’innovation technologique s’accompagne de ruptures constantes. Le mentorat sert alors de pont : il relie les générations, les disciplines, les temporalités. Il inscrit l’innovation dans une continuité humaine qui lui donne sens et profondeur.

Un outil stratégique pour les organisations apprenantes

Les organisations les plus résilientes ne sont pas celles qui misent exclusivement sur la technologie, mais celles qui développent une capacité d’apprentissage collectif. Le mentorat est l’un des leviers de cette dynamique. Il crée un maillage de relations internes, favorise la transversalité, stimule la circulation des savoirs.

Ce modèle de structure apprenante repose sur une conception non hiérarchique du savoir : chacun peut être à la fois mentor et mentoré selon les sujets. Il valorise la diversité des parcours, la complémentarité des expertises, l’écoute des signaux faibles. Il crée un climat de confiance propice à l’innovation comme à la régulation.

Les structures qui intègrent le mentorat à leur stratégie de développement humain en tirent des bénéfices durables : fidélisation des talents, renforcement de la culture d’entreprise, amélioration des processus, réduction du turnover. Mais surtout, elles construisent une organisation plus humaine, plus inclusive et plus stable dans un environnement instable.

Mentorat et projection collective

Au-delà des relations individuelles, le mentorat contribue à la construction d’un projet collectif. Il renforce la capacité d’un groupe à se projeter, à imaginer son avenir, à assumer ses choix. Il transforme une addition de compétences en une intelligence collective active. Cette dimension dépasse les logiques de performance pour entrer dans celle du sens.

Le mentorat, lorsqu’il est conçu comme un pilier de transformation, ne produit pas seulement des expertises : il génère des identités professionnelles, des appartenances, des trajectoires partagées. Il relie les parcours individuels aux ambitions collectives. Il devient un fil rouge dans les périodes d’évolution, un levier d’intégration des nouvelles générations, un facteur de cohésion dans la diversité.